top of page

La Merveilleuse histoire du Mont Saint-Michel...

La côte occidentale de la France, principalement dans la région du Cotentin, a subi de profondes transformations au cours des âges géologiques.

 

Rongé par l’érosion marine, l’ancien rivage a peu à peu disparu sous les flots les îles anglo-normandes, le Mont-Saint-Michel et Tombelaine, formés de roches granitiques, sont les vestiges du continent primitif.

 

Avant le 8 ème siècle, dans le golfe qui nous occupe, le rivage s’étendait de la pointe de Cancale à la pointe de Carolles.

 

Le rocher que nous entreprenons de faire visiter et qui s’appelait alors le Mont Tombe, n’était, comme son voisin Tombelaine, qu’ une éminence rocheuse s’élevant au milieu d’une riche végétation forestière.

L' histoire veut que les Druides y aient longtemps célébré leurs sanglants sacrifices. Puis vinrent des solitaires chrétiens, qui abritèrent leurs ermitages sous les immenses futaies de la forêt de Scissy, renversèrent les idoles païennes et instaurèrent le culte nouveau.

 

Le plus célèbre de ces ermites fut Saint-Pair qui évangélisa la contrée dès le 6 ème siècle.

 

L’ histoire du Mont-Saint-Michel commence; par l'histoire authentique dont Saint Aubert, dixième évêque d' Avranches, est le héros. D’ après les écrits, saint Aubert aurait élevé au Mont un oratoire à Saint Michel qui lui serait apparu à plusieurs reprises.

Le saint évêque aurait résisté longtemps ; mais devant les injonctions réitérées de l' Archange, il se serait décidé, en 708, à faire ériger sur le Mont, qui portait alors le nom de Mont Tombe, une chapelle sur un emplacement désigné par le Prince de la Milice céleste.

 

L' Archange Saint-Michel laissa en témoignage de sa venue la marque de son doigt dans le crâne du saint évêque.

Il est probable que cet oratoire n’était qu’ une sorte de grotte creusée dans le flanc du rocher et dont les derniers vestiges ont fait place aux constructions de la collégiale qui lui succéda.

 

Au cours des démolitions auxquelles il fit précéder pour faire disparaître les derniers monuments du paganisme gaulois, les efforts des travailleurs ayant échoués devant un énorme menhir couronnant le sommet de la montagne, saint Aubert se serait fait amener un enfant au berceau, dont il aurait appuyé le pied sur la lourde roche qui aurait roulé incontinent au bas de la montagne.

 

Lorsque la voix populaire déclara saint cet évêque, on éleva sur ce point, en commémoration de ce prodige, la Chapelle, dite de Saint-Aubert, campée d’une façon si pittoresque sur la crête d’un amoncellement de roches éboulées.

Une tradition, place vers cette époque (en mars 709) l’envahissement définitif de la légendaire forêt de Scissy qu’ une grande marée d’équinoxe, chassée par un violent vent du nord, aurait subitement engloutie, n’épargnant que les hauteurs du Mont et de Tombelaine.

 

L’ensablement s’ensuivit par le dépôt des résidus minéraux et végétaux tenus en suspension par le flot montant.

 

Ce sable, qui possède des propriétés fertilisantes a reçu le nom de tangue.

Avec les siècles, l’apport continu des marées s’est accumulé dans le fond de la baie, le long des rivages, et les temps modernes ont précipité ces atterrissement au moyen de travaux appropriés.

 

Les terrains ainsi gagnés sur la mer se couvrent d’abord de criste marine, puis la pluie les dessalant, il y pousse l’herbu et ils deviennent d’un bon rapport pour la culture des céréales).

 

Des clercs du diocèse, délégués par Saint Aubert en Italie pour en rapporter des reliques destinées au nouveau sanctuaire, auraient eu, à leur retour, la surprise de trouver la mer là où s’étendait auparavant une luxuriante végétation forestière.

Pour assurer la garde de ces reliques, saint Aubert fonda alors le monastère du Mont- Tombe, en établissant dans cet îlot un collège de douze chanoines qu’il dota des revenus nécessaires à leur existence en commun.

 

En quête d’eau pour ses religieux, il découvrit, au bas de la montagne au nord, la fontaine qui porte son nom et qui alimenta l’abbaye jusqu’au XVème siècle.

La célébrités retentissante des miracles opérés autour de l’oratoire de saint Aubert amena une foule de pèlerins dont les offrandes contribuèrent à l’extension de la communauté.

On conclut que la montagne jouissait d’un privilège spécial de la part de l'Archange ; et on l’appela désormais le Mont-Saint-Michel, appellation à laquelle on ajouta : au péril de la mer, probablement pour signaler le danger qu’ en pouvait présenter l’accès pour les voyageurs inaccoutumés à la mobilité des grèves ou inattentifs aux heures des marées.

 

C’est alors que commence pour le Mont la visite des rois de France, inaugurée par celle de Childeberg 2 dès l’origine du monastère.

A la mort de Charlemagne, toute la Neustrie occidentale fut ravagée par les Normands.

Fuyant devant l’invasion, quelques familles de cette province vinrent chercher un refuge au Mont-Saint-Michel dont la situation semblait devoir les garantir contre les incursions des pirates.

 

Telle fut l’origine de la ville établie au pied de l’abbaye et qui constitue aujourd’hui encore la petite commune du Mont-Saint-Michel.

 

Le chef des hordes envahissantes, Rollon, devenu duc de Normandie, se fit chrétien et rétablit l’abbaye des chanoines dispersés par les Barbares.

 

Son fils, Guillaume Longue-Epée, dota le monastère d’un immense patrimoine.

Mais ces richesses, jointes au contact de la population laïque, amenèrent, dans les moeurs des religieux, un grand relâchement auquel Richard 1er, dit Sans- Peur, troisième duc de Normandie, remédia en établissant, dans le monastère, douze moines bénédictins dont l’austérité de vie lui semblait garantie par la règle sévère de cet ordre religieux.

 

Une charte approuvée par le pape Jean 13 et par le roi de France Lothaire, fixa les rapports des ducs de Normandie et des religieux de l’abbaye.

 

Aux termes de cet acte, l’abbé devait être élu par ses pairs et investi d’un pouvoir temporel appuyé d’une juridiction absolue, tant sur l’abbaye que sur les habitants du bourg.

 

Le premier abbé élu, en 966, fut Maynard qui, aidé de son neveu et futur successeur, s’appliqua à reconstituer la bibliothèque précédemment pillée par les chanoines indignes.

Déjà, sous Maynard 2, le monastère était florissant, quand les flammes d’un incendie qui s’était déclaré dans la ville, s’élevèrent jusqu’à l’abbaye qu’elles réduisirent en cendres.

 

Grâce à la générosité du duc Richard 2, on reconstruisit des logements et on répara la petite église collégiale édifié dans le courant du 10ème siècle.

 

Avec Hildeberg 2, successeur du précédent, commence l’histoire monumentale de l’abbaye : car c’est à lui qu’on est redevable de la conception générale consistant à établir, au sommet du cône rocheux, une plate-forme de façon que l’église fût de plain pied avec les bâtiments claustraux.

 

Toutefois, étant donnée l’importance des substructions que nécessitait le plan adopté, il est à présumer que l'oeuvre d'Hildeberg 2, ainsi que celle de ses successeurs les plus rapprochés, s’arrêta au choeur de l’église, dont il ne reste plus rien, et à quelques parties basses du vaisseau roman qui, commencé en 1023, n’en était encore en 1048 qu’aux quatre gros piliers et aux arcs de la voûte du clocher central.

Dès la fin du 11ème siècle, l'abbaye était puissamment riche : car l’abbé Ranulphe de Bayeux, avait pu, sur les ressources abbatiales, équiper six vaisseaux pour ramener d' Angleterre le duc Guillaume triomphant.

 

La reconnaissance du roi-duc se manifesta d’abord dans ses largesses.

 

Mais par la suite, à la mort de Ranulphe, il imposa aux suffrages des religieux, malgré leurs vives protestations, son propre chapelain Roger.

 

On doit à la prélature de ce dernier la construction des parties hautes de la nef qui, à peine achevée, s’écroula une nuit sur le dortoir attenant au collatéral de l’église (1103).

 

Son successeur, Roger 2 dut refaire la plus grande partie des bâtiments abbatiaux situés au nord et incendiés par la foudre le 25 avril 1112.

Ce fut alors que s’élevèrent la Crypte de l'Aquilon puis le promenoir qui la surmonte, et, au dessus, le dortoir, qui fut raccourci au 18ème siècle.

 

Un esprit d’indiscipline avait germé dans l’abbaye sous l’empire de la légitime indignation provoquée par l’empiétement des ducs sur le pouvoir électif des moines.

 

Un accord intervint cependant d’où sortit l’élection de Bernard du Bec.

 

Celui-ci établit à Tombelaine un petit prieuré où il détacha trois moines de l’abbaye de façon que tout le personnel pût se retremper dans la vie cénobitique.

 

Bernard reprit en même temps les travaux de l’église par la construction d’un clocher en pierre sur les quatre gros piliers à l’intersection de la nef avec les transept.

 

Il décora en outre les fenêtres de vitraux peints, dont quelques fragments furent retrouvés dans les fouilles opérées en 1875.

Après une nouvelle période de troubles suscités par les excès de pouvoir du roi d'Angleterre, Henri 2 Plantagenet, une élection libre eut lieu le 27 mai 1154, qui conféra la crosse abbatiale à Robert de Torigni dont la prélature inaugura pour l’abbaye une période de prospérité matérielle et de développement intellectuel.

 

Pendant les trente deux ans de cette prélature, l’étude des lettres et des sciences reçut une impulsion féconde dans le monastère dont l’abbé enrichit considérablement la bibliothèque.

 

Il existe encore à la bibliothèque d' Avranches soixante sept manuscrit datant de cette époque.

 

Robert accrut le développement des bâtiments par l’addition, au midi, de l’hôtellerie, de l’infirmerie et des constructions dépendantes accolées à l’ouest contre les substructions de l’église romane en communication avec les anciens bâtiments du nord.

 

Il éleva, devant la façade occidentale de l’église, un porche flanqué de deux tours, dont il ne reste aujourd’hui que quelques fondations retrouvées en 1875, sous le dallage de la plate forme de l’ouest.

 

De ces deux tours, celle du sud, s’écroula peu de temps après sa construction. Elle contenait la bibliothèque qui fut en partie détruite..

 

A la mort de Robert de Torigni, la prospérité de l’abbaye atteignit son apogée.

Le monastère possédait d’immenses biens et un grand nombre d’abbayes vassales jusqu’en Angleterre, quand, au cours de la conquête de la Normandie par Philippe Auguste, en 1203, Guy de Thouars vint assiéger le Mont-Saint-Michel.

 

Désespérant de s’en emparer de vive force, ce partisan mit le feu à la ville.

 

Les flammes montèrent jusqu’à l’abbaye dont tous les bâtiments étagés au dessus du bourg furent anéantis.

Ce fut pour les remplacer qu’on résolut la construction de la Merveille que les libéralités du roi de France Philippe-Auguste permirent d’un seul jet.

 

A cette époque, l’abbé était Jourdain, homme de grande intelligence, mais peu aimé des moines que les traditions administratives de Robert de Torigni tenaient encore attachés au roi d’Angleterre.

 

Avec Jourdain s’affirment en même temps au Mont-Saint-Michel la nationalité française et le génie artistique français.

 

A cet abbé revient l’honneur du projet relisant la pensée d'Hildeberg 2 sur le côté nord du rocher et aussi l'exécution d’une partie de ce plan grandiose comprenant le Cellier et la Grande Salle contiguë, dont le porche, à cette époque, s’ouvrait sur l’entrée même du Monastère.

A son avènement, en 1212, Raoul des Iles continua les travaux par la Salle des Hôtes et celle des Chevaliers que termina Thomas des Chambres.

 

Celui-ci, de 1218 à 1225, construisit le Réfectoire, modifia le pignon nord du transept roman contre lequel il établit le lavatorium des moines, et commença le Cloître.

 

Cette magnifique construction ne devait être terminée que sous son successeur Raoul de Villedieu, auquel on attribue aussi la petite Chapelle Saint-Etienne.

 

A cette époque, l’entrée de l’abbaye était située au bas de la tourelle dite des Corbins, à proximité du porche accédant au rez-de-chaussée de la Merveille.

 

Par des emmarchements aboutissant à la terrasse absidiale on arrivait au niveau du grand vestibule, aujourd’hui défiguré, qui desservait la Salle des Hôtes, celle des Chevaliers et le dégagement qui, longeant les substructions du transept nord, met en communication la Merveille avec les bâtiments de l’ouest en passant par l’ancien promenoir des moines.

Or l’abbaye était riche et suscitait bien des convoitises. Cependant elle ne possédait encore, non plus que la ville situé à ses pieds, aucune fortification.

 

Elu abbé en 1236, Richard Turstin entreprit de fortifier l’entrée qu’il avait déplacée en la transportant au bas du bâtiment élevé par ses soins à l’est de l’église et désigné sous le nom de Belle Chaise.

 

Grâce à la munificence de Saint Louis qui vint en pèlerinage vers 1254, ce prélat couvrit de fortifications les escarpements du nord et fit bâtir la tour Nord.

 

En 1300, la foudre tomba sur le clocher de l’église, l’incendia et le ruina entièrement.

 

Le feu communiqué à la ville en détruisit un grand nombre de maison.

L’offrande royale de Philippe le Bel, venu en 1311 en pèlerinage au sanctuaire de saint Michel, permit à l’abbé Guillaume du Château de réparer promptement ce désastre.

 

Guillaume continua en outre les fortifications dans la direction du sud-est et construisit, à la base sud-ouest du rocher, les magasins abbatiaux ou Fanils, détruit depuis et sur l’emplacement desquels on voit aujourd’hui la Caserne, élevée en 1828 à l’usage des troupes préposées à la garde de la prison centrale.

 

L’entrée du bourg se trouvait alors à proximité du point où devait s’élever un siècle plus tard et où se trouve encore aujourd’hui l’église paroissiale.

 

Quelques années plus tard préludait la guerre de Cent Ans et les Anglais ravageait la Normandie.

 

L’abbé Nicolas le Vitrier, dont la tâche première avait été de réparer les dégâts d’un nouvel incendie occasionné par la foudre en 1350, prit un soin particulier de l’entretien des remparts.

Son successeur, Geoffroy de Servon, dut relever de nouvelles ruines, la foudre ayant encore, en 1374, incendié l’abbaye et même la ville devant les Anglais déjà postés à Tombelaine.

 

En 1386, l’abbé était Pierre Le Roy, homme remarquable qui, indépendamment des réparations qu’il fit à l’église et aux bâtiments abbatiaux, agrandit et fortifia considérablement l’abbaye.

 

Il fit refaire le sommet de la Tour des Corbins ruiné par le feu, et entreprit à l’entrée du monastère une succession de défenses qui le mirent à l’abri d’un coup d’audace.

 

Il appliqua contre la façade sud de Belle-Chaise la Tour Perrinne et construisit, en avant de l’entrée, le Châtelet ainsi que le mur le reliant à la Merveille.

 

Puis il fit précéder cet ensemble de la Barbacane, de la Tour Claudine et du Grand Degré.

Devenu le conseiller du roi Charles 6, Pierre Le Roy fut chargé par lui d’assister au concile de Pise en 1409 ; il mourut l’année suivante à Bologne.

 

Il avait été accompagné en Italie par son chapelain, Robert Jolivet, qui se fit octroyer des bulles pontificales lui conférant la crosse abbatiale.

 

Rentré au Mont avec 4000 écus d’or que Pierre Le Roy léguait à l’abbaye, il se fit élire régulièrement.

 

Puis il fit précéder cet ensemble de la Barbacane, de la Tour Claudine et du Grand Degré.

Rober Jolivet fut donc rappelé au Mont-Saint-Michel que son premier soin fut d’envelopper de la ceinture de remparts qui, branchée sur l’enceinte du 14ème non loin de la Tour Nord, s’étend, baignée par la mer, jusqu’ à la Tour du Roi et se retourne à angle droit pour gravir les escarpement du Midi.

 

Mais, sans même attendre le traité de Troye où tout semblait perdu pour la monarchie française, Robert Jolivet se rendit à Rouen et se vendit aux Anglais pour une rente annuelle de mille livres.

 

Afin de le remplacer par intérim dans l’administration de l’abbaye, les moines désignèrent Jean Gonault, leur prieur conventuel, avec le titre de vicaire général.

 

Entré en fonction en 1420, celui-ci s’empressa, de concert avec Jean 8

d' Harcourt, comte d' Aumale, envoyé par Charles 7, d’organiser la défense.

Archange Saint-Michel - Eglise Saint Pierre - Mont Saint-Michel

A cette époque commence pour les montois une ère de dures épreuves.

Le 10 novembre 1421, le choeur de l’église romane s’écroula subitement, compromettant par sa chute la solidité des piliers du clocher central.

 

En même temps, les Anglais, maîtres de Paris, devenait chaque jour plus pressants.

Aidé de la complicité de Robert Jolivet, ils firent le siège du Mont et tentèrent de le réduire par la famine.

 

L’héroïque résistance des Montois eut raison de leurs assauts successifs.

 

En 1434, mis en déroute par la garnison commandée par Louis d'Estouteville, capitaine du Mont, les anglais abandonnèrent leur artillerie.Les deux bombardes, qui sont actuellement déposées dans l’avancée de la Barbacane, sont les glorieux trophées de cette victoire mémorable remportée par quelques centaines de héros contre toute une armée commandée par les hommes de guerre les plus distingués de l’Angleterre.

En 1435, Louis d'Estouteville, profitant d’une trève momentanée, se hâta de remanier les fortifications de la ville en conformité des progrès de l’artillerie.

 

Pour protéger la porte, il construisit, en avant, la Barbacane spécialement disposée contre les projectiles des pièces à feu.

 

Cependant l’abbaye se trouvait dans une lamentable détresse, ayant ses biens séquestrés et ses objets précieux engagés afin de pourvoir à la nourriture des religieux et de la garnison.

 

Malgré tout, les défenseurs du Mont traquèrent l’ennemi et s’emparèrent de plusieurs de ses forteresses dans le pays environnant.

 

La lutte dura jusqu’en 1450 où, battus à Formigny, les Anglais abandonnèrent la Normandie et furent définitivement chassés de France, ne conservant que Calais qu’ils durent évacuer en 1558.

Les travaux du choeur, interrompus en 1482 par la mort du cardinal d'Estouteville, furent repris en 1499 par l’abbé Guillaume de Lamps.

 

Un incendie ayant de nouveau brûlé le clocher, Guillaume le reconstruit en même temps qu’ il éleva d’autres constructions dans le voisinage du logis abbatial et notamment la citerne de l'Aumônerie, aujourd’hui débarrassée des informes bâtiments qui la défiguraient du côté sud de l’église.

 

En succédant en 1513, à son frère Guillaume, Jean de Lamps termina le choeur. Sous sa prélature, François Ier vint en pèlerinage au Mont-Saint-Michel.

 

En 1530, Gabriel du Puy, lieutenant du roi en la place du Mont, éleva la tour Gabriel pour compléter les défenses du côté accessible et construisit devant la Barbacane l'Avancée et le Corps de Garde des Bourgeois.

 

Les abbés commendataire furent de médiocres constructeurs ; certains, préférant se borner à toucher les revenus n’entretinrent même pas les bâtiments de l’abbaye.

 

Le monastère ayant été de nouveau la proie des flammes en 1564, il fallut un arrêt du Parlement de Rouen pour contraindre l’abbé François Le Roux d'Anort à faire les réparations.

Trente ans plus tard, même incendie, même arrêt du Parlement qui, cette fois, prescrivit la construction, à l’usage du clocher, de la tour massive qui existait avant la construction récente du clocher central.

 

Pendant les troubles de la Ligue, les abbés défendirent la ville contre les surprises des Huguenots.

 

Un dramatique épisode auquel donna naissance la tentative infructueuse faite en 1591, par Montgomery, pour s’introduire dans l’abbaye par le Cellier, fit donner le nom de ce partisan à cette salle basse de la Merveille.

 

En 1615, l’abbé était un enfant de cinq ans, Henri de Lorraine, cinquième duc de Guise, dont le mandataire fit divers travaux de réparations et de consolidations, notamment le contrefort où figurent les armes des Guises contre les substructions occidentales.

 

Cependant, un profond relâchement s’était introduit dans les moeurs des religieux qui durent être remplacés en 1622 par les Bénédictins de la Congrégation de Saint Maur.

A part le moulin qu’ils élevèrent sur la tour Gabriel, on ne retrouve de ces moines que des ouvrages de mauvais goût et de lamentables mutilations.

 

Deux d’entre eux furent les plus grands historiens du Mont-Saint-Michel, Dom Jean Huynes qui entra à l’abbaye en 1633, et vingt ans après lui, Dom Thomas Le Roy qui exécuta en l’espace de vingt mois ses « Curieuses recherches ».

 

Sous Louis 14 le gouvernement de la forteresse, depuis un siècle retiré aux abbés, leur revint en la personne du chevalier de Malte, Jacques de Souvré.

 

En 1745, Louis 15, pour se venger du pamphlétaire Dubourg, le fit enfermer dans la cage de fer.

 

Cette fameuse cage, dont l’invention avait, dit on, été suggérée à Louis 11 par le cardinal Jean Balue, était construite en bois lourdement armé de fer.

 

Lors d’un pèlerinage qu’il fit au Mont le 17 mai 1777, le comte d'Artois demanda la destruction de cette cage, souhait qui fut réalisé quelques mois plus tard sur l’ordre du duc de Chartres,

le futur roi Louis Philippe, venu au Mont avec sa gouvernante Mme de Genlis.

Après l’incendie de 1776 le portail ouest de l’église, depuis longtemps lézardé menaçait de s’écrouler.

 

On démolit les trois premières travées de la nef et, quelques années après, on boucha l’ouverture par la hideuse façade qui déshonore le monument sur la plate-forme ouest.

 

En 1790, les religieux furent chassés, et les cloches emportés par les habitants des pays voisins.

 

Les manuscrits furent déposés à la bibliothèque municipale d' Avranches où ce qu’ il en reste constitue une collection du plus haut intérêt et d’une grande valeur documentaire.

 

Maintenue comme maison de force par Napoléon 1er, en 1811, l’abbaye du Mont-Saint-Michel prit, sous Louis 18 le nom de prison centrale et de correction.

 

La prison des femmes, disposée dans l’ancienne Hôtellerie bâtie par Robert de Torigni, s’écroula en 1817.

 

Les belles constructions de l’antique abbaye subirent en outre de nombreuses mutilations occasionnées par leur nouvelle affectation.

 

Enfin la nef romane fut ravagée, en 1834, par un incendie survenu au centre d’ateliers aménagés dans les étages qui la subdivisaient.

 

Les geôles de l’abbaye renfermèrent, de 1830 à 1848, entre autres prisonniers politiques, les chefs des mouvements insurrectionnels dirigés contre le Gouvernement de Juillet : Barbès, Blanqui, Martin Bernard.

Un décret de 1863 supprime la prison et, en 1865, l’évêque de Coutances loua l’abbaye et ses dépendances pour une période de neuf années, y rétablit le culte et y installa des missionnaires diocésains.

 

Peu de temps après, ces derniers furent remplacés par des religieux de Saint-Edme de Pontigny.

 

A l’expiration de ce bail, les logis abbatiaux, à l’exception de l’église et de la Merveille, furent loué pour six années au supérieur de ces religieux. Ce dernier bail ne fut pas renouvelé.

 

Affectés en 1874 au services des Monuments historiques près le Ministère des Beaux Arts, l’abbaye et les remparts du Mont-Saint-Michel ont été, depuis cette époque, l’objet de travaux d’entretien et de restauration d’une importance croissante.

 

Dirigés jusqu’en 1890 par feu Monsieur l’architecte Ed. Corroyer, les travaux furent commencés par la consolidation des substructions romane au Sud et à l'Ouest et suivis de la restauration du cloître et du réfectoire, ainsi que d’une partie des remparts de la ville.

 

Ils furent continués par feu M. Victor Petitgrand, qui exécuta la reprise des quatre gros piliers et la reconstruction du clocher et de la flèche de l’église abbatiale, terminée à son sommet par la statue de saint Michel, pur chef d'oeuvre de Frémiet.

Chargé en 1898 de la direction des travaux, nous avons exécuté la restauration complète de l’église, la restitution de la citerne de l' Aumônerie et de ses abords, ainsi que l’ancien dortoir des moines.

 

Nous avons rétabli des circulations dans les galeries souterraines, restauré la barbacane du Châtelet, construit le grand degré extérieur et organisé partout un écoulement méthodique des eaux pluviales en vue de leur utilisation distincte en eau potable et non potable en nous servant des anciennes citernes.

 

Indépendamment de ces travaux et de beaucoup d’autres qu’il serait trop long d’énumérer ici, nous avons procédé à des fouilles qui ont rendu incontestable l’existence jusqu’ alors insoupçonnée de la petite église carolingienne et des fondations presque complètes du monastère montois du 5ème siècle.

 

Afin de mettre sous les yeux du public les dernières épaves historiques de l’abbaye forteresse recueillies sur divers points ou extraites des fouilles opérées au cours de la restauration, nous les avons regroupées dans une des salles du monastère, celle dite du Gouvernement ou de l'Officialité abbatiale.

 

Les visiteurs y trouveront des fragments de sculpture et de carrelages anciens, des objets de diverses natures provenant des sépultures abbatiales, inscriptions, crosses, anneaux, restes de vêtements, pièces de monnaie du moyen âge.

 

Ils y verront exposés des dessins au nombre desquels les plans indiquant les transformations successives du monastère depuis sa fondation jusqu’à nos jours. Une bibliothèque spéciale permettra en outre au public d’étudier sur place et devant les édifices eux-même l’histoire de ces monuments.

Quelque soit le mode de transport dont on fasse usage pour se rendre au Mont-Saint-Michel (et aujourd’hui on a le choix), il est préférable de faire le voyage à l’époque d’une marée de vive eau, afin de jouir de l’émouvant spectacle de l’arrivée de la mer qui, retirée à marée basse à plus de douze kilomètres, forme au moment du flot, une barre formidable envahissant progressivement toute l’étendue du vaste estuaire qui s’étend des côtes de Bretagne à celles de Normandie.

 

Aux époques de syzygies, la hauteur de l’eau atteint près de 14 mètres, et tout le Mont se trouve entouré d’eau.

 

A l’aide d’une petite embarcation on peut, en côtoyant à distance convenable les neuf cents mètres de circonférence du rocher granitique, voir se dérouler devant soi les aspects les plus saisissants et les plus grandioses, variants, pour ainsi dire, à chaque coup d’aviron.

 

On trouve, à l’entrée du Mont, de braves pêcheurs toujours prêts à procurer aux touristes, moyennant une légère rétribution, le plaisir de cette circum navigation.

 

Ces mêmes hommes sont les guides les plus utiles et les plus sûrs qu’ on puisse trouver pour parcourir les grèves.

 

Et si l’on aime mieux faire à pied cette petite excursion, comme la mer descend aussi rapidement qu’elle est montée, on peut, deux après qu’elle est étale, faire le même tour sur le sable fin de la grève.

 

 

On ne regrettera pas non plus, si les jambes s’y prêtent, d’avoir poussé jusqu’à Tombelaine sous la conduite toujours nécessaire de ces même guides, dont l’expérience consommée égale la prudence.

 

La hauteur de la plate-forme d’où jaillissent les constructions abbatiale est de 78,41 mètres au dessus du seuil de la porte de l' Avancée de la ville.

 

Il faut y ajouter 87,75 mètres pour avoir l’altitude du saint Michel occupant l’extrémité de la flèche et qui à lui même 2,50 mètres.

 

Appendice : Tombelaine.

Sous la vague silhouette d'un immense fauve accroupi au milieu des grèves, l'îlot granitique de Tombelaine, dont l'histoire est intimement liée à celle du Mont-Saint-Michel, eut comme lui ses sacrificateurs païens et ses ermites chrétiens.

 

Dès le 11ème siècle, un oratoire y fut élevé qui fut construit en 1137 par l'abbé Bernard du Bec et dédié à la Vierge sous le vocable de "Sainte-Marie la Gisante de Tombelaine".

 

Bernard érigea cet établissement en prieuré et le fit desservir par trois moines de l'abbaye.

Philippe Auguste y avait fait construire un fort en prévision d'une attaque des Anglais.

Ceux-ci s'en emparèrent en 1356 et ne le rendirent qu'en 1380 à Charles V victorieux.

 

L'ayant repris en 1419, les Anglais y construisirent d'importants retranchements et en firent le centre de leurs opérations contre le Mont.

Ils en furent définitivement chassés en 1450 par le connétable de Richemont, qui vint assiéger cette petite place.

 

Après être passée entre les mains des Ligueurs, puis s'être soumise au pouvoir royal, Tombelaine devint la propriété du surintendant Fouquet, qui transforma le prieuré en château.

 

Après la disgrâce de ce ministre, en 1666, le château et les remparts furent rasés par ordre de Louis 14.

 

Vendu en 1795 comme bien national, l'îlot a passé depuis en plusieurs mains et est vers 1909 la propriété de la famille de Moidrey....

 

Frère Bruno de Senneville jardinier et créateur du cloître... 1966

 

bottom of page